mardi 8 janvier 2008

Brûlées au kérosène ou à l'acide par un mari ou une belle-famille contrariée par une dot trop faible ou la naissance d'une fille.

Dans les salles de l'hôpital de Lahore, au Pakistan, Nasreen, 26 ans, brûlée à 60%, est à l'agonie, Suraya a le corps totalement dévasté, une troisième n'a plus de visage. Chaque mois, arrive une dizaine de nouvelles femmes brûlées au kérosène ou à l'acide par un mari ou une belle-famille contrariés par une dot trop faible ou la naissance d'une fille.

Après une tasse de thé matinale, Farhat Rehman commence sa tournée de routine. Deux fois par semaine, cette militante de l'Association féministe d'assistance judiciaire aux femmes (AGSH) visite les salles de l'hôpital Mayo, le plus grand établissement de Lahore, la capitale de la province du Penjab. Elle recense les nouveaux cas de patientes admises pour brûlures. «Selon nos estimations, environ 70 % d'entre elles ont été délibérément brûlées par leur mari ou leur belle-famille, voulant s'en débarrasser. Ils attendent qu'elles soient presque mortes pour les emmener à l'hôpital», assure Farhat, cheveux courts et cigarette au bec, en garant sa petite voiture déglinguée devant les immenses bâtiments.

Dans la salle de chirurgie générale des femmes, elle repère immédiatement les victimes : au milieu d'une cinquantaine de lits, émerge une sorte de cercueil rouge. Une armature de métal qui permet de maintenir la couverture à distance du corps meurtri. Près du «cercueil», une vieille femme aux yeux cernés de khôl patiente. «C'est la mère», murmure Farhat, qui prend des notes à partir de la feuille accrochée au pied du lit. «Regardez : la patiente s'appelle Nasreen, elle a 26 ans. Elle est brûlée à 60 %.»

Farhat se dirige vers la tête du lit et soulève la couverture rouge. Dans ce visage brûlé apparaissent les yeux d'une femme qui agonise depuis trois jours. Farhat relève un peu plus la couverture sur le corps à vif, les seins, le ventre, les cuisses, tout n'est plus qu'une immense plaie. Malgré l'application d'un baume pour cicatriser, le corps s'est infecté et se décompose lentement dans une odeur putride. « Celle-là, je peux vous dire qu'elle ne va pas finir la semaine », murmure Farhat. Elle interroge le cercueil rouge : «Qu'est-ce qui vous est arrivé ?» Une voix écorchée sort de la gorge brûlée. «Je faisais la cuisine chez moi et mon voile a pris feu avec le fourneau.» Sa mère opine et raconte que son époux est très bon et qu'il est venu la voir deux fois. «Elles disent toutes ça, explique Farhat un peu plus tard. Moi je peux vous dire que s'il y a plus de 30 % de brûlures, dans un prétendu accident domestique, cela devient très suspect. Comment peut-elle avoir de telles blessures, alors qu'il y avait de l'eau à proximité, des couvertures, sa famille près d'elle pour la secourir ? C'est son mari qui a fait ça. Il a dû l'arroser de kérosène et mettre le feu. »

Karim, le jeune médecin responsable de cette salle, raconte que le mari de Nasreen prétend que sa femme est folle et qu'elle s'est brûlée toute seule. «Nous savons parfaitement que ces cas ne sont pas des accidents, mais que pouvons-nous faire ? Ces femmes ont peur, elles n'osent pas dénoncer leur mari car elles seraient rejetées par la famille à cause du déshonneur, ou même tuées. Ensuite, quand elles survivent, elles n'ont pas d'autre choix que de retourner vivre avec leur mari. Je peux vous dire ce qu'il se passe quand la femme revient de l'hôpital : le mari va l'examiner, si elle est défigurée, il va divorcer. Si sexuellement elle est encore intéressante, il avisera. Voilà, c'est l'histoire des femmes de milieux pauvres. Ce sont juste des choses qui arrivent, rien d'exceptionnel .»

Impunité et indifférence

Avec plus de 50 % de brûlures, les chances de survie des patientes deviennent très faibles, et, selon les associations, 97 % des patientes succombent à leurs brûlures. «Vous voyez bien dans quelles conditions elles sont soignées, déplore Karim, les draps ne sont pas changés entre deux malades, la salle est pleine de microbes. Or un corps sans peau est perméable aux germes.» Le traitement coûte 2 000 roupies (30 euros) par jour, soit une fortune. Selon Karim, ce sont parfois les médecins qui paient le traitement de leur poche. Chaque mois, l'hôpital Mayo accueille une dizaine de nouvelles patientes brûlées.

Malgré le tabou, Farhat Rehman tente de mener ces cas devant les tribunaux. Une mission quasiment désespérée. Tant l'impunité est totale et l'indifférence générale. Le pseudo-accident domestique est un moyen efficace pour se débarrasser d'une femme : une dispute de couple pour des histoires d'argent, un mari drogué ou violent, un homme qui convoite une nouvelle épouse, la mésentente avec la belle-famille, le refus d'une jeune fille d'épouser le mari choisi par ses parents, une dot jugée insuffisante, la naissance d'un bébé fille. Et la femme peut se retrouver arrosée de kérosène et en flammes. En un an et demi, Farhat Rehman a convaincu à peine une poignée de patientes de porter plainte. Pour le moment, rien n'a encore abouti.

A Islamabad, Shanaz Bokhari, fondatrice de l'association Progressive Women (PWA), qui se bat contre l'impunité des meurtres par le feu depuis dix ans, résume la situation : «Les médecins, qui ont légalement le droit de prendre les témoignages des patientes, ne veulent pas s'impliquer, si toutefois la victime parle ! Pour les policiers, ces cas sont l'occasion de recevoir un pot-de-vin substantiel du mari pour classer l'affaire. Quand le cas aboutit en justice, cela prend des années, et au bout du compte les témoins apeurés se rétractent.» Elle conclut : «Les femmes dans ce pays sont des objets, des choses, ce qui peut leur arriver est sans importance.» PWA a dénombré depuis 1994 «plus de 4 000 femmes brûlées, rien que dans les hôpitaux d'Islamabad et de la ville voisine de Rawalpindi».

Les «accidents de fourneaux», monnaie courante dans la province du Penjab, se retrouvent dans l'Inde voisine (1). L'extrémisme religieux dont souffrent les deux pays a renforcé les discriminations et les violences envers les femmes. Mais, selon Michel Boivin, chercheur au CNRS et spécialiste du sous-continent indien, «les meurtres par le feu sont essentiellement commis au sein d'une classe moyenne pauvre, déstructurée, composée de ruraux déracinés ayant rejoint les faubourgs des grandes villes». Triste bilan en 2002 dans le Penjab : selon la commission des droits de l'homme du Pakistan, au moins 234 femmes seraient mortes de leurs brûlures (un chiffre certainement sous-estimé), 33 plaintes ont été déposées, 12 personnes arrêtées.

Asma Jehangir, célèbre avocate et figure de proue du combat féministe au Pakistan, fondatrice de l'association AGSH, dénonce l'indifférence du gouvernement: «Il n'y a pas de volonté politique de lutter contre les violences. C'est le système judiciaire qui doit être changé. Le sentiment de totale impunité alimente cette violence. » Elle a chargé voilà deux ans Farhat de cette mission à l'hôpital Mayo afin d'assurer une présence sur le front des «meurtres par le feu».

Dans l'hôpital, Farhat poursuit vaille que vaille sa tournée à l'étage, dans l'«unité des brûlées». En fait, une simple pièce sans équipements spécifiques à part une climatisation offerte par l'AGSH. Elle aperçoit un autre « cercueil » : c'est une jeune femme de 27 ans qui implore : « Je ne veux pas qu'on parle de moi dans les journaux, s'il vous plaît. » La militante la rassure sur son identité. La presse pakistanaise évoque en effet les cas de femmes brûlées, mais sous un angle principalement sensationnaliste. Brûlée à 55 %, Suraya a le même corps dévasté que Nasreen, les mêmes yeux d'agonie. Elle soutient qu'elle a été victime d'une «lampe à huile qui s'est cassée», se lamente mais n'arrive même pas à pleurer. Dans ce corps calciné, une petite vie continue de grandir. Elle est enceinte de 7 mois et son bébé a survécu à l'«accident».

Pire que la mort

Sur un autre lit gît une créature effarante. Elle n'a plus de visage. C'est une jeune fille de 16 ans mais elle a une voix de vieille femme qui glace le sang. Un soir d'été, l'année de ses 12 ans, alors qu'elle dormait dehors, des hommes que son père avait dénoncés pour un vol de moutons sont entrés dans le jardin et lui ont versé de l'acide sur le visage et le corps. Le visage de la fillette a fondu, sa paupière droite est devenue un amas de chair collée sur l'orbite ; la gauche, elle la tient à la main pour cacher son oeil qui ne voit plus. Son nez a été rongé jusqu'à l'os. Sans parler de son maigre corps. «Trois des quatre hommes sont en prison, mais le quatrième est en liberté, il a payé la police, et il continue de nous menacer, moi et ma famille. J'ai peur.» Les médecins vont lui opérer l'oeil droit aujourd'hui pour tenter de lui donner un visage plus supportable. Les frais d'une véritable chirurgie esthétique sont hors de portée pour la grande majorité des victimes. Pour ces filles horriblement défigurées, leur peine, quand elles survivent à leurs brûlures, est pire que la mort.

Les attaques à l'acide ­ phénomène nouveau ­ sont de plus en plus fréquentes. Selon la commission des droits de l'homme du Pakistan, 56 cas de femmes brûlées à l'acide ont été rapportés en 2002 dans le Penjab, contre 9 l'année précédente (des chiffres bien en deçà de la réalité dans la mesure où les femmes craignent de parler). Ce produit d'usage courant pour l'agriculture ou le nettoyage des salles de bains est en vente libre partout, la bouteille coûte 30 centimes d'euro. 2004 s'ouvre sur un mince espoir. En octobre 2003, l'assemblée provinciale du Penjab a en effet adopté une loi pour «la prévention de la violence domestique». Celle-ci doit permettre de poursuivre les auteurs de violences dans le foyer et inclut le problème des «accidents de fourneaux» et des attaques à l'acide. La coalition des partis islamiques s'est fermement opposée au projet, dénonçant une atteinte à l'autorité du père. Mais les femmes de l'assemblée, élues de tout bord, se sont alliées et ont réussi à faire passer cette loi, qui doit rentrer en application en ce début d'année. Encore faudrait-il pouvoir compter sur la probité de la police et de la justice.

(1) Les chiffres officiels estiment à 7000 les femmes victimes en 2001 de ces violences. Les estimations évoquent 25 000 décès annuels.

3 commentaires:

jenna a dit…

des partis islamiques ?? est ce que ces gens la represente lislam le vrai ?non,mais ils le pretendent !

Ils pensent avoir raison mais c'est des fous, je tassure que c pas autorisé , surtt que ceux qui sont brulé alors qu'elles st innocente

c fou ca de brulé des gens, crois ce que tu veux mais lislam c pas ca!
La encore c des humains qui decident de faire ca, et on lsait lhomme (comme la femme) est capable du pire

Awarenest a dit…

OK! C'est pas autorisé mais ils le font et c'est inacceptable.

Ils coupent les mains, les jambes...

Et je ne comprends pas qu'une femme puisse dire et penser le contraire au risque de ce trouver elle-même un jour concerné. Elle ou sa file ou sa mère ou sa soeur....

Awarenest a dit…

Le vrai visage de l'islam est dans le COran et de très nombreux hadihts !

Pas de quartiers pour les impis, les non croyant !!! C'est écrit !!!!!

Relisez le Coran ou au besoin deamndez moi de vous siter les versets.

Sans problème !!!!